Margin Call, le film qui te fait aimer les traders
Il y a quelques mois de cela, j'avais assisté avec mon fils à un spectacle d'improvisation pour les enfants qui demandait, comme souvent dans ce genre de représentations, pas mal d'interacitivté avec le public. A un moment, un des comédiens m'interpelle et me demande de lui donner sans réflechir l'identité du métier que je déteste le plus...Ne m'attendant pas à cette question, j'ai lancé le premier métier qui me venait à l'esprit, qui était " trader". On était pourtant déjà loin des scandales de Kerviel et compagnie, mais comme un certain nombre de français, je garde une rancoeur tenace pour cette profession qui a commencé à avoir une très mauvaise réputation depuis la crise financière de 2008, et mon inconscient a donc gardé ce métier comme la "pire profession du monde".
Cela étant dit, je n'avais de ce métier de trader qu'une image forcément caricaturale, à savoir celle d'un type qui vendrait père et mère pour se faire le plus de blé possible. En effet, s'il y a bien un domaine qui ne m'a jamais interessé, c'est bien l'économie (malgré un Bac économique, allez savoir) et j'avoue n'avoir jamais cherché à vraiment connaitre les vraies raisons de cette crise et le détail des missions de ces traders.
Heureusement que le cinéma est là pour pallier cette carence et heureusement qu'il y a des invitations avant première pour voir des films dont le sujet me dit si peu : je cultive un tel mépris pour ce milieu là que er 2 heures en compagnie d'employés et de dirigeants d'une grande entreprise financière à l'aube de la crise des subprimes menacait de me plonger soit dans l'agacement soit dans l'ennui le plus profond.
Ce film, c'est Margin Call, sorti hier sur nos écrans, et réalisé par un jeune cinéaste américain, J.C Chandor, dont c'est le tout premier film, et qui a réussi, sur la simple base de son script, à rassembler une superbe brochette de comédiens, des plus confirmés (Kevin Spacey, Jeremy Irons, Demi Moore) à des plus jeunes comédiens, découverts dans des séries du moment (Zachary Quinto vu dans Héroes).
L'objectif de la fiction de J.C Chandor, est de retracer 24 heures décisives dans la vie d'une banque d'investissement avant le krach boursier de l'automne 2008, de la naissance du soupçon jusqu'à la prise de conscience de l'étendue du cataclysme.
Et c'est peu de dire que le pari du réalisateur est réussi, tant, pendant toute la projection du film, je n'ai pas pensé une seule seconde à autre chose qu'au destin de ces personnages qui s'agitaient (et dieu sait qu'ils s'agitaient) à l'écran.
Si Margin call arrive à être un film réellement ionnant sur un sujet qui ne l'est pas au départ, plusieurs raisons peuvent l'expliquer.
Avant tout, le film est extrémement documenté et jamais caricatural (comme pouvait l'être Wall Street 2), le père du réalisateur a travaillé pendant 40ans dans une banque d'investissement, et a donné énormément d'informations à son fils qui en a tiré profit pour batir des personnages autenthiques et des situations parfaitement crédibles. Certes, les grands pontes de cet établissement développent un cynisme et se prêtent à des stratégies diaboliques simplement dans le but de maintenir la tête de leur établissement hors de l'eau, et qu'importe les conséquences sur les milliers de personnes qui sont au bout de la chaine. Mais les autres employés, des chefs de service aux agents situés tout en bas du système, ont des vrais états d'âme et un sens des responsabilités dont on ne se doutait pas forcément.
Par ailleurs, le scénario bénéficie d'une construction de récit très ingénieuse basée sur une unité de lieu (cet immeuble qu'on ne quitte quasiment pas du film, sauf en de rares pauses faussement plus respirables) et de temps : le film dure exactement 24 heures, et du coup, la fiction possède une force qu'il n'aurait pas eu si l'histoire s'était déroulée en plusieurs jours.
Par ailleurs, la mise en scène est au diapason de ce récit: tendue à l'extrême, concentrée exclusivement sur son sujet (aucune histoire parrallèle comme souvent dans ce genre de films), elle donne au film une intense dimension dramatique qui contribue énormément à la réussite éclatante du film.
Mais tout ceci ne serait rien sans un casting aux petits oignons, ce qui est assurément le cas: quel plaisir de revoir Kevin Spacey Demi Moore, et Jeremy Irons défendre des personnages aussi complexes et consistants. Quel bonne surprise de découvrir enfin ce Simon Baker dont tout le monde me parle (dois je vous rappeller que je ne regarde jamais les séries de TF1, par pur snobisme? :o) Et pour Paul Bettany, qui ne jouait que dans des nanars (Priest,) en voilà une belle résurrection! Et je n'oublie pas les petits jeunes, tout à fait à la hauteur des anciens.
Bref, à cause de ce film nuancé et haletant de bout en bout, je serais bien embeté si, aujourd'hui, je retournais au spectacle d'improvisation et qu'on me reposait la même question... Et je ne pourrais pas, à la place, répondre "flic", à cause de Polisse de Maïwenn,et évidemment je ne pourrais pas plus rétorquer: " huissier" depuis que j'ai vu Je ne suis pas là pour être aimé de Stéphane Brizé... Quelqu'un pourrait t-il ainsi me donner une idée d'un métier à mauvaise réputation que le cinéma n'a jamais encore humanisé? Merci d'avance :o)..