Théâtre de ma vie : la vie de la si discrète Myriam Boyer est flamboyante !
« L’univers trouble et dépravé des bistrots où mon père me trainait m’apparaissait souvent comme un sas de liberté et de respiration. Dans ces lieux de perdition, les insultes et les altercations s’apparentaient à un joyeux théâtre. Bien avant que je ne découvre les marginaux et les âmes perdues des pièces de Koltès, j’ai fraternisé avec ces pépites d’humanité étranges, difformes et biscornues.
En me montrant très tôt la fragilité et la ténacité des humbles et des maudits, mon père m’a offert le plus précieux des viatiques. En dépit de ma timidité et ma défiance de môme, j’ai été attirée par ces ambiances de bacchanales et d’agitation, où je me sentais ise en discrète et craintive complice. »
Les souvenirs d’une petite dactylo lyonnaise devenue une comédienne délicate qui en plus de cinquante années de carrière à côtoyé les plus grands.
Une comédienne engagée au TNP de Planchon, qui créa Koltès aux Amandiers encore en chantier pour Chéreau, qui rencontra Varda rue Daguerre, qui croisa Pérec pour Corneau, qui observa la rivalité de Piccoli, Montant et Reggiani pour Sautet, qui épousa John Berry le réalisateur blacklisté par le Maccarthysme.
Une comédienne modeste mais battante, qui reçu son premier Molière dans l’indifférence malpolie de la profession alors qu’elle attaquait aux prudhommes le Théâtre de la Gaité-Montparnasse, qui subit la violence sadique d’un partenaire jaloux, où l’on apprend que l’on peut être un très très bon comédien et un sale con.
Une comédienne rare que l’on a plaisir à retrouver dans cette touchante biographie qui nous raconte toute une vie de théâtre et de cinéma, mais aussi le souvenir d’une enfance, tendre et violente à la fois, entre Rhône et Saône.
Cancer de Louisa, épouse de Mastroianni pour Blier au cinéma, amante de Jeanne Moreau pour Dayan à la télé, belle-mère de Jean Seberg et Anna Karina dans la vraie vie, oui la vie de la discrète Myriam Boyer est flamboyante.
Petite anecdote personnelle, Myriam Boyer a tourné son film « La mère Christain » à deux pas de chez moi. Chaque jour en rentrant du travail j’observais avec curiosité la troupe en pleine activité, mon regret est de ne jamais avoir osé l’aborder.
Elle avait rencontré Georges Pérec mon écrivain préféré, elle était donc pour moi parfaitement inaccessible. Je n’ai pas pu lui dire mon respect pour son travail de comédienne, c’est chose faite grâce à cette chronique.
Théâtre de ma vie de Myriam Boyer, Editions du Seuil, parution le 2 septembre 2021.