Critique cinéma : Slalom, l'épatant premier long de Charlène Favier à voir dès le 19 mai au cinéma
Comme Charlène Favier nous l'a elle même confié sans hésiter lors de notre long échange avec elle, Slalom est un film qui s’inspire tragiquement d’une expérience personnelle forcément douloureuse.
En effet, la jeune cinéaste fut elle-même victime de violences sexuelles, lorsqu'elle était plus jeune, dans le milieu du sport, mais pas celui du ski où est situé son récit .
Si elle a mis plusieurs années à digérer ce tissu autobiographique et en écrire une fiction qu'elle a commencé à écrire sur les bancs de la FEMIS, le désir d’extérioriser, à travers l’art, ce bouleversement tragique donne à son premier long une sincérité et une nécessité formidable au projet, un peu comme l'avait fait Andréa Bescond avec les chatouilles . ou même Sarah Succo, sur un sujet moins proche avec Les éblouis.
Car si l'intrigue de Slalom est forcément irriguée par son histoire intime, la sève autobiographique est totalement mélangée à une fiction qui renvoie le film loin du démonstratif et du film à thèse.
Car en abordant la question des abus sexuels sur mineurs dans le milieu du sport sous l'angle d'une fiction aussi pudique qu'intense, Charlène Favier fait de son long métrage un bel objet de discussion et de sensibilisation sur cette problématique qui est d'autant plus d'actualité depuis que le mouvement me too a réussi à faire libérer la parole des victimes .
Et en même temps, elle réusit en même temps une oeuvre qui a le souci d’éviter tout manichéisme est très loin des films démonstratifs dits "Dossiers de l'écran" comme il en fleurissait pas mal du temps de cette émission.
En insistant sur le côté trouble et terriblement ambigü de la relation entre une jeune championne de ski de 15 ans et son professeur qui va la placer sous une emprise dont elle aura beaucoup de mal à se sortir, Charlène Favier évite toute prévisibilité dans le scénario et surtout tout ces bons sentiments qui aurait fait capoter sérieusement le projet .
Ascendance, soumission, désir, honte, humilation: tous ces éléments viennent se mélanger dans une sorte de valse iniatique ionnante et terrifiante à scruter.
Un ballet auquel Jérémie Rénier, doté d'un magnétisme évident qui n'aura jamais été aussi fort et la jeune Noée Abita, encore mieux que dans Ava donne corps avec un talent fou, et auquel la mise en scène de Charlène Favier apporte une richesse indéniable.
En effet, en prenant le parti pris de presque tout filmer du point de vue de sa jeune héroïne, la metteuse en scène, bien accompagnée de son chef opérateur, le brillant Yann Maritaud cherchent à mettre le spectateur à la place de Liz.
Toute l'action est vue par le regard de la jeune fille, forçant le spectateur à pleinement s'immerger dans le monde intérieur de Liz, au plus près de la réalité assez hallucinée qu'elle est en train de vivre; une sorte de vertige intérieur que la musique du groupe Low Intérieur accompagne avec un grand talent.
Un premier long éblouissant de maitrise, pour nous un des plus grands films vu pour nous en 2020 et du coup de 2021 puisque le film sort mercredi prochain dans tout juste une semaine pour la très attendue réouverture des salles!