Trois jours, Petros Markaris : huit nouvelles d'un grand romancier greco-turc
" Avec l'embrasement du conflit chypriote, les affaires se mirent à décliner, les trucs boycottant tacitement les magasins grecs et les grecs préférant garder leur argent pour l'envoyer secrètement au pays."
Le romancier grec Petros Markaris , connu pour les cinéphiles comme étant le scénariste de Theo Angelopoulos, est le créateur de la série bien connue des amateurs de bons romans policiers, mettant en scène le commissaire Kostas Charitos.
Avec "Trois jours" paru en février dernier aux éditions du seul, il nous offre un recueil de huit nouvelles qui dévoile une autre facette de son talent et de la grande diversité de sa plume.
Le commissaire Kostas Charitos est encore présent dans deux nouvelles mais dans le reste des ses récits, Markaris nous emmène de Grèce en Turquie, avec un détour par l’Allemagne.
Ces histoires se déroulent à chaque fois à une époque différente etsont l'occasion de faire partager au lecteur ravi l'histoire de ces trois pays limitrophes, d'aujourdhui jusqu'à s la Deuxième Guerre mondiale.
" Je me contentai d'acquiescer en silence car je savais que les Rums-les Grecs de la ville- traînent derrière eux la malédiction propre à tous les minoritaires: ils ne se sentent bien nulle part. A la ville, c'est la faute des Turcs, en Grèce, celle des Grecs. Ils confirment ainsi le proverbe turc : " le présent fait regretter le é", qui montre que l'avenir n'est jamais rose.
De ces huit nouvelles écrites au scalpel, on retiendra particulièrement la nouvelle éponyme “Trois jours”, qui relate le pogrom d’Istanbul de septembre 1955 déclenché par les Turcs à la suite du conflit chypriote et dans lequel l'auteur met en avant la position ambigüe et complexe des Grecs d’Istanbul, mais aussi "Le cadavre et le puits " ou bien encore l'excellente "Tentative tardive" qui se déroule en juillet 1944.
On y retrouve, dans ces belles nouvelles, la grande lucidité et la grande pertinence de l’auteur greco-turc sur ses pays qu'il connait bien, cette Turquie dont il est natif, et la Grèce, et sur leurs histoires respectives , le cadre historique et politique est souvent très soigné, tout en ne négligeant pas pour autant les intrigues policières, souvent de fort belle tenue.
Un recueil accessible et progond, d'un des auteurs contemporains incontournables de l'Europe du Sud...
"Vassilis se moquait bien de savoir si son grand père était un héros ou un lâche.
Ce qui le terrorisait, c'était le retour des jours sombres qui avaient fait de lui un héros ou un lâche et qui avaient plongé sa famille dans une longue période de deuils, cette ronde macabre qui reprenait."
Petros Markaris/«Trois jours» Recueil de NouvellesTraduit du grec par Loïc Marcou, Michel Volkovitch et Hélène Zervas.Seuil, 184 p.