Rabbit Hole aux Célestins- Une très belle pièce sur la résilience
L'an dernier, le si beau Théâtre des Célestins avait ouvert sa saison avec "Rabbit Hole", une pièce mise en scène par sa directrice Claudia Stavisky,.
C'est peu de dire que cette pièce avait fait l'événement- du moins dans notre bonne ville de Lyon-, ne serait ce que pour la présence sur les planches de Julie Gayet, qui n'avait plus foulé une scène depuis plus de vingt ans déjà et qui avait eu tendance de faire (malgré elle) l'actualité pour autre chose que ses ( immenses) talents de comédienne.
Nous avions raté ces quelques représentations en 2017, malgré d'excellents échos de ceux qui l'avaient vu, et nous furent donc ravis de l'annonce de la reprise de cette pièce pour quatre soirs sur Lyon avec quasi la même distribution que l'an dernier; seule Nanou Garçia ayant laissé sa place dans le rôle de la grand mère à la grande comédienne de théâtre Christiane Cohendy.
Si la pièce , signée de l’auteur américain David Lindsay-Abaire, nous était inconnue, ce n'était pas le cas de la trame principale.
En effet, nous avions vu en 2010 le long métrage que le cinéaste John Cameron Mitchell en avait tiré, lui qui changeait alors diamétralement de registre ( habitué qu'il est des films très extravertis et sexués) pour tourner une oeuvre dramatique avec dans les rôles principaux, un couple de comédiens assez formidables Aaron Eckart et Nicole Kidman.
"Rabbit Hole" nous avait paru comme étant un film sincère et pudique sur l'histoire tragi-comique d'un couple qui a perdu son enfant et qui doit faire le deuil, chacun réagissant différemment.
Ce film touchant, péchait seulement par excès de classissime, et assurément, à la vue de la pièce vue aux Célestins hier soir, le texte gagne largement à être adapté au théâtre.
La pièce de David Lindsay-Abairemise en scène par Claudia Stavisky sonde en effet avec énormément de subtilité et de véracité le cheminent intérieur vers l'impossible deuil, et vers une résilience qui ne dit pas son nom, au sein d'une famille broyée par le chagrin.
Pièce sur la renaissance et sur l'incroyable faculté que possède au fond de lui chaque être humain pour renaitre à la vie après les tragédies les plus violentes, "Rabbit hole" évite avec une grande maitrise les deux écueils qu'un tel sujet pourrait faire craindre: celui de verser dans le pathos et le tire larmes et celui au contraire, d'être trop froid et désincarné.
En confrontant sans cesse la tragédie humaine dans laquelle les protagonistes- une famille de la middle class américaine- sont plongés et les petites actions maladroites et inopportunes que ces mêmes protagonistes provoquent malgré eux , la pièce touche constamment juste et réussit même étonnamment à faire rire à plusieurs reprises (cf la scène de repas familial où la grand mère parle des Kennedy).
Surtout, la pièce réussit à faire d'un drame personnel, une tragédie qui confine à l'universel, sublimée en cela par les choix sobres mais toujours justes de mise en scène de Claudia Stavisky, mais également par la belle musique profondément mélancolique d'Anthony and the Johnsson , sans oublier le beau travail de vidéos réalisé par Asa Mader, un artiste américain qui accompagne joliment les quelques transitions temporelles.
La réussite de la pièce est aussi ( surtout?) due à la grande qualité de son interprétation : en quelques répliques, Julie Gayet fait taire toutes les éventuelles réticences de ceux qui pouvaient douter que la comédienne n'a pas forcément la puissance émotionnelle pour tenir un rôle d'une telle intensité, et tiendra à bras le corps ce personnage pendant toute la durée de la pièce.
A ses côtés, le trop rare ( surtout au cinéma) Patrick Catalifo impose une présence physique aussi virile que fragile dans le rôle d' Howard, le père qui n'est pas aussi fort que l'on pourrait penser de prime abord.
Quant à Lolita Chammah- fille d'une de nos plus grandes actrices françaises- son côté impulsif et feu follet sied idéalement à rendre Izzy, la petite soeur de Becky, terriblement attachante.
"Attachant", c'est d'ailleurs un adjectif qui colle parfaitement avec tous les personnages de cette pièce, qui, de par leurs maladresses, leurs faux pas et aussi par leur volonté de sortir la tête hors de l'eau coute que coute sont surtout profondément humains et contribuent pour beaucoup au plaisir évident ressenti par le spectateur devant ce très beau Rabbit Hole.
RABBIT HOLE actuellement au Théâtre des Célestins
PROCHAINES DATES
- jeu. 08/11 20h00
- ven. 09/11 20h00
- sam. 10/11 20h00
RABBIT HOLE sera aussi jouée DU 17 JANVIER AU 31 MARS 2019 au Théâtre des Bouffes parisiens