Le drôle de coming out d'Anthony Kavanagh
Jusqu'à présent, j'accordais assez peu de crédit à l'humoriste québécois Anthony Kavanagh. Il faut dire qu'il est apparu médiatiquement en quasi en même temps qu'un autre humoriste issu de la belle province, lui aussi spécialiste du bruitage, Michel Courtemanche, et que j'avais tendance à les mettre tous les deux dans le même sac: de grands performers, mais aux textes assez pauvres, et surtout avec un humour trop québécois pour convaincre les hexagonaux.
Kavanagh a bien mieux survécu médiatiquement que Courtemanche (j'ai d'ailleurs appris, en écrivant ce billet, que ce dernier avait fait une crise de panique en 1997 sur scène qui a un peu bousillé sa carrière), mais je n'avais pas pour autant poussé plus loin ma curiosité.
Cela dit, lorsqu'il est é en début d'année montrer son dernier spectacle sur Lyon, j'ai des collègues qui sont allés le voir, et qui m'ont ensuite dit que j'aurais certainement apprécié son show, vu que son humour semblait proche du mien (je ne savais pas que je faisais le moonwalk avec ma bouche devant les usagers, mais bon...).
Ainsi, lorsque j'ai eu la possibilité de visionner avant sa sortie le DVD de son nouveau spectacle grâce à TF1 vidéo, je n'ai pas décliné l'offre et voulu voir si mes collègues avaient visés juste ou non.
Et j'ai appris du coup plein de choses que j'ignorais sur Kavanagh, à savoir que contrairement à Courtemanche, il a quitté son Canada natal pour y vivre en depuis une dizaine d'années. Et c'est pour cela, que contrairement à ses débuts, l'humoriste se permet d'observer la société française avec un regard critique et sacrastique. Car comme il l'annonce dès le tout début du spectacle, " ce soir, je fais mon coming out : je sors du placard, je me révèle... Ça fait dix ans que je vis en , voilà, maintenant, je peux me lâcher ! J’assume tout. Tout ce que je pense, tout ce que je suis, tout ce que j’aime... ou pas ! Tout le monde y e !!! Même toi t’y e. Si ! Et elle aussi à côté de toi. Et lui aussi. Et lui... et eux ! Et même la vieille là-bas. Tout le monde j’vous dis, même moi !"
Bref, voilà un début très excitant pour un type comme moi qui aime l'humour qui tache, cet humour qui n'hésite pas à y aller franco contre toutes les absurdités de la société.
Mais, si le comique tire effectivement à boulet rouge sur certains travers de la société française (le racisme des propriétaires immobiliers, l'utilisation effrenée du klaxon, le tabou de l'homosexualité, les nouvelles technologies), son propos reste souvent assez neutre, et surtout on a l'impression qu'il n'ose pas aller au bout de ces penchants naturels...
Et d'ailleurs, dans les interviews qu'il a donné pour promouvoir ce show, il dit clairement qu'il a dû édulcorer de moitié son numéro, tellement cela choquait et qu'on lui a gentiment conseillé d'éviter les vannes sur les gros (il en reste quand meme quelques unes), l'armée, la religion. Du coup, le spectacle perd un peu de sa férocité intrinsèque, même si quelques saillies laissent quand même augurer du talent d'observateur cruel du bonhomme. Les thèmes principaux du show se résument surtout en sa toute nouvelle paternité (avec notamment une relecture du conte de Cendrillon assez tordante), et le racisme ambiant, et l'ensemble est assez inégal, mais plutot bienvenu.
Cependant, ce que personne n'a pu enlever chez Kavanagh, et que nul ne pourra jamais lui contester, c'est son energie hors du commun et sa capacité à bouffer la scène et à insuffler un vrai rythme comique.
Anthony reste un vrai show-man, issu de l'école nord- américaine, et cela se sent et se voit aux quantités de sueur qui ruisselle sur son visage. L'artiste est super à l'aise sur scène, et sa décontraction est un vrai plus. On voit qu'il adore être sur scène et ses relations avec le public semblent sincères et enjouées. Par rapport à Pascal Légitimus que j'avais vu sur scène, et qui aborde des thématiques similaires sous le même angle du stand up, on voit que Kavagnah maitrise bien mieux l'exercice du spectacle en solo.
On regrette donc d'autant plus que le boycott dont il parle ait autant influé sur la férocité de ses textes, car on aurait pu assister à un spectacle encore plus hilarant. Quoiqu'il en soit, ce DVD reste une très bonne idée pour er un agréable moment de détente.