On a vu aux Célestins : Le Funambule Jean Genet / Philippe Torreton


Quand Jean Genet publie Le Funambule en 1958, il est déjà un auteur de pièces de théâtre et de romans si reconnu que sa consécration par Jean-Paul Sartre le freine dans son élan créatif.
C’est en s’adressant à son jeune amant Abdallah Bentaga qu’il revient à l’écriture. De cet apprenti acrobate, il va faire un funambule parcourant les plus grands cirques du monde en lui payant les meilleures formations en la matière.

Dans ce texte où il défie la solitude et sonde le corps, Jean Genet l’encourage, lui fait apprivoiser la chute, la mort et l’art.
Enfant de l’Assistance publique, délinquant, homosexuel, écrivain classique et provocateur génial, Jean Genet adresse dans ce texte magnifique des conseils à son amant pour l’aider à atteindre les sommets de son art. Il ne s’agit pas tant de lui « enseigner » quelque chose que de l’« enflammer ».

Cette fois-ci, les mots se mêlent à la musique de ce ionné d’instruments électroniques, Boris Boublil, guitariste et pianiste, sideman de Dominique A, leader de groupes de rock et de jazz mais aussi compositeur et arrangeur.
Le fildefériste Julien Posada, médaillé d’argent à 17 ans au Festival du Cirque de Demain, époustouflant de précision, offre un pur moment suspendu à cette création.
Le fil comme la vie que traverse le poète, l'artiste toujours en équilibre instable. Sans cesse au bord de la chute, Genet l'artiste " border line ", nous conte son amour pour un acrobate, un rustre illettré face à lui le rustre lettré, l'ancien taulard qui a rêvé d'illusion et d'évasion.
Dans une très belle scénographie, Philippe Torreton susurre tendrement ou interpelle violemment le monde sur la souf d'être mal aimé. C'est du Genet, de la poésie un peu sale et morbide.
Des mots crus et parfois brutaux jetés fiévreusement et les deux comédiens font le job avec ion, on peut donc pardonner un texte parfois abscons et complaisant sur le triste destin de l'artiste maudit et incompris.
Un mot sur le décor, ce vieux cirque sera un lieu transfiguré, où le soir venu, dans l’éclairage de l’insaisissable présent du théâtre, se retrouvera nos fantômes : ceux de Genet et chacun des nôtres...
6 — 10 mai 2025 Le Funambule Jean Genet / Philippe Torreton
Philippe Torreton sera présent à l'institut lumière le 27 mai prochain!
Invitation à Philippe Torreton
Souvenirs de Bertrand Tavernier
