Interview d'Antoine Chevrollier, réalisateur de LA PAMPA
La Pampa, premier long métrage d'Antoine Chevrollier, en salles depuis mercredi dernier,, met en scène deux adolescents ionnés de motocross dont les destins basculent après la diffusion d'une sextape.
On a adoré ce film et on a profité de la présence du réalisateur le lundi 27 janvier au cinéma le Comoedia de Lyon pour lui poser quelques questions sur son projet.
Je suis né à Angers,J'ai é le bac, mais je n'ai pas fait d'études supérieures. Sans doute parce que ma famille ne m'y a pas préparé. Ma mère était infirmière dans une usine de poignées de porte. Je viens de la petite classe moyenne bourrée de complexes. Le terrain de LaPampa était situé à 5kilomètres de chez moi.
C'était un endroit social très important quand j'étais gosse. J'y observais cette communauté d'hommes virils qui pratiquaient ce sport mécanique dans cette arène façon Ben-Hur .
Avec mes deux coscénaristes, Bérénice Bocquillon et la romancière Faïza Guène, nous avons décortiqué ce milieu très fermé, testostéroné et masculiniste pour en faire l'arrière-plan du récit.
Il faut savoir que le tournage de LaPampa a eu lieu à Longué-Jumelles, mon village natal.
Au départ, je ne m'étais pas autorisé à tourner là-bas, Je ne pensais pas le film comme étant clairement autobiographique. Un ami m'a dessillé les yeux. Le tournage a été à la fois très émouvant et très accaparant. Des gens venaient me montrer des photos de classe de moi enfant.
Mon rapport à la série est arrivé tardivement, c’était un concours de circonstances ; j’avais même initialement pensé Oussekine comme un long métrage. Ma relation au récit a tou jours été liée à une sensation cinématographique, peu importe le format.
Mais défendre pour la première fois une histoire intime, ça été un vrai combat intérieur : est-ce qu’on allait m’autoriser à filmer ce qui est indispensable à mes yeux ?
C’est une question que je me pose beaucoup et dès l’écriture.
L’important pour moi est d’affirmer une vérité et une indispensabilité de récit. Sur La Pampa, je me suis demandé comment singulariser un propos qu’on a déjà vu cent fois : le coming-of-age, la masculinité toxique, etc.
La réponse se trouve je crois, dans mes personnages, dans leurs trajectoires. J’essaie de
les regarder droit dans les yeux. Il n’y a aucun surplomb.

SACHANT QUE C’EST UN PROJET D’ABORD TRÈS PERSONNEL ?
J’ai dans un premier temps collaboré avec Bérénice Bocquillon. Je l’ai très rapidement
emmenée dans mon village natal.
Il faut savoir que la Pampa est un endroit réel, qui se trouvait tout près de chez moi. Je n’ai pas fait d’école donc je cultive un rapport très sensoriel à l’écriture.
J’ai ensuite fait appel à Faïza Guène, qui est pour moi l’une des plus grandes romancières françaises. À la suite de Bérénice, elle a peaufiné la caractérisation des personnages.
Nous avons couché sur papier les moindres détails des trajectoires de nos personnages. C’était important pour éviter l’écueil du sur-découpage, du sur-montage.
Si le scénario est rigoureux, si les personnages sont précis, alors l’apport de chaque collaborateur ne rendra le film que plus fort. L’écriture a ainsi duré trois ans au total.

Je leur demande beaucoup. Lorsque j’organise des répétitions, ce n’est pas seulement
avec les comédiens : il y a aussi le chef opérateur, la scripte, le premier assistant, etc.
Pour les acteurs, c’est une manière de s’approprier le texte et de me signaler leur inconfort avec certains dialogues.
On a ensuite répété sur les décors, pour recontextualiser et trouver la gestuelle en conséquence. Une fois sur le plateau, il n’y avait plus grand-chose à faire en termes de direction puisque tout leur appartenait déjà.
Et puis lorsque je donne une indication personnelle à un acteur, je la lui chuchote à l’oreille. J'ai été assistant réalisateurs sur pas mal de long métrages et j'ai jamais trop compris pourquoi on hélait un comédien devant les autres
Pour moi, ça change tout. Son partenaire de jeu n’a pas forcément l’indication, ce qui permet toutes sortes d’accidents heureux.
Les acteurs, je les aime plus que tout ; à la fin il n’y a qu’eux. C’est important de le dire et de leur faire savoir.
Bah non, en fait, c'est moi qui l'ai choisi pour le rôle de Jonas dans Le Bureau des légendes et j'avais adoré ce qu'il avait montré dans la série,
Il s'est imposé des sacrifices pour le rôle dans la Pampa, et a perdu 35kg en quatre mois.
Au moment où il a tourné mon film, je trouvais qu'il n'avait pas encore montré toute sa palette de jeu.
Il y a même eu certaines réticences à son endroit, on a même perdu un financier qui bloquait vraiment sur sa présence, ce sont plus de 100 000 € qui sont partis du projet...
Il n'empêche, Artus apporte une puissante corporalité au film, ainsi qu'un souffle romanesque inégalable.