5 questions à Edwy Plenel autour du film Personne n'y comprend rien

C’est l’ancien patron de Mediapart Edwy Plenel qui est venu présenter sur Lyon trois avant-premières exceptionnelles de Personne n’y comprend rien, mardi 7 janvier au Lumière Bellecour.
Un formidable documentaire qui explique les liens de Nicolas Sarkozy avec le colonel Kadhafi.
Personne n’y comprend rien”, ce sont les mots de Nicolas Sarkozy pour répondre aux accusations dont il fait l’objet dans l’affaire des financements libyens dont le procès va s’ouvrir en février prochain. C’est désormais aussi le titre d’un documentaire de Yannick Kergoat, réalisé à partir des enquêtes de Mediapart signées Fabrice Arfi et Karl Laske, intervenant dans le film, en salle le 8 janvier prochain.
L’occasion de “tout comprendre à l’un des scandales les plus retentissants de la Ve République” selon les auteurs. Reste à savoir ce qu’en dira la justice…
Le procès a commencé lundi 6 janvier. Personne n’y comprend rien est co-produit par Mediapart.
Rencontré sur Lyon le jour de la sortie du film, Edwy Plenel a pris le temps de répondre à nos questions :
Oui bien sur : mais vous savez toute l'équipe de Médiapart est mobilisée pour accompagner des débats autour du film.
On connait tous suffisamment le dossier pour intervenir dessus .
Il faut savoir que tous ces documentaires qui posent des questions d'intérêt public suscitent des débats et le public est friand que justement il y ait un débat citoyen derrière.
Nous ne sommes pas un journal au-dessus de notre public.
Nous allons à la rencontre du public et d'ailleurs nous le devons car ce film a été permis, et c'est toute notre liberté, par un financement participatif sans précédent. Nous avons levé grâce au soutien du public plus de 500 000 euros très rapidement c'était assez incroyable ...
Après le film se suffit de lui même, mais je pense que les gens qui le voient ont envie de débattre, c'est le sel de tout débat démocratique c'est assez important pour nous que ces débats existent.
Pour reprendre la formule du pionnier de la pensée écologique Élisée Reclus, dans son dernier livre, L’homme et la terre, il avait employé un néologisme : il y a le progrès et le «régrès»
.Le changement, pour moi, de ces 20 dernières années, c’est la dégradation de notre profession, de ses conditions économiques, la prise de contrôle par des intérêts extérieurs.
Je pense que nous avons une époque où, au nom du pouvoir, de la puissance, il n'y a plus aucune limite, c'est M. Trump allié à M. Musk, au nom de l'argent et de l'avidité qui n'a plus aucune limite.
Cette rencontre entre le pouvoir et l'argent, qui souvent se traduit par la corruption, au mépris de l'intérêt général, entraîne la volonté de tromper, et de tromper en utilisant des armes de destruction massive de la vérité, donc d'étouffer la vérité, c'est-à-dire les vérités de fait, les informations, les étouffer sur les opinions, y compris les pires.
Y compris les plus antidémocratiques, y compris celles qui propagent la haine. Monsieur Musk utilise aujourd'hui une arme de destruction massive, comme je l'ai dit, de la vérité qui est le réseau X, pour déstabiliser les démocraties du monde entier.
En termes d’abonnements numériques, Mediapart est le troisième quotidien national d’information générale en , derrière le Figaro, créé au 19ème siècle, et Le Monde, qui date de 1944.
Mediapart est à la fois dedans et dehors. On est au cœur : nous sommes présents sur l’actualité internationale, sur l’écologie, on a développé le multimédia, les podcasts, les émissions, des films, du data-journalisme, etc.
En même temps, on est radicalement à part : on est une entreprise de presse totalement profitable sur 13 années consécutives, avec comme seule recette l’abonnement. Nous n’avons aucune béquille, aucun artifice, pas de subvention, pas d’argent des plateformes, pas de mécènes privés intéressés, pas de publicité.
Alors vous avez raison, cette information a-t-elle fait une seule fois l’ouverture du 20 heures ou d’une matinale ? Jamais. Pourtant, c’est absolument sidérant.
Ce n’est pas nous qui le disons, mais les juges d’instruction, au terme de dix ans d’enquête dans une ordonnance de renvoi de 565 pages. Le tribunal dira si cela doit déboucher sur
des condamnations.
Et je ne peux expliquer pourquoi cette histoire a été si peu relayée dans la presse mainstream, notamment dans le Monde qui a juste fait un petit entrefilet une fois sur la condamnation de Sarkozy mais je pense que tout cela à un peu à voir .
Cela m'attriste évidemment et cela dit beaucoup de l'état de notre démocratie dans son ensemble
Dans l’ensemble des médias privés, à part les nouveaux entrants comme nous, on voit la dégradation des conditions de travail, la précarité ; qui entraîne la dégradation du débat public, parce que tous ces intérêts privés, ce n’est pas l’information qui les intéresse : c’est le blabla des opinions.
L’opinion devient un cheval de Troie contre l’information. La liberté de dire étouffe le droit de savoir. C’est ce que nous montrent les chaînes xénophobes, racistes, portant atteinte à la dignité humaine que sont les chaînes d’extrême droite qui ont aujourd’hui pignon sur rue en .
Tout ça percute ou aggrave certains travers de la culture française du journalisme. J’ai croisé depuis toujours ce que j’appelais le journalisme de gouvernement, un journalisme qui regarde en haut et qui se sent d’abord l’allié des pouvoirs. Aujourd’hui, il est très présent, dans la façon dont il cherche sa légitimité du côté de l’actionnaire ou du côté de l’État.
En démocratie, il ne peut pas y avoir de médias de masse qui soient des médias d’opinion»
Souvent, j’ai trouvé que la crise du journalisme en se traduisait par l’absence de l’héroïsation du travail des journalistes dans l’imaginaire du cinéma, et des séries télévisées aujourd’hui.
Dans le monde anglo-saxon, notamment aux États-Unis, le journaliste est souvent un héros de la démocratie, quitte à ce que ce soit un héros malheureux. Et là, ça commence à venir en .
J’ai toujours dit que dans la popularité de Mediapart, il y avait un côté Robin des Bois. C’est le journal qui va prendre les secrets indûment gardés par les riches pour les rendre au peuple.
Et ce romantisme, c’est une bonne chose qu’il rentre dans la culture populaire, qu’il soit largement partagé, car c’est une éducation à la démocratie, à son idéal.
Mais vous savez la réussite de Mediapart, c’est vraiment d’avoir initié quelque chose qui n’existait pas à ce point, qui est un journalisme d’impact : il ne s’agit pas simplement de faire une enquête qui rebondit sur une enquête judiciaire qui est déjà en place…
Mais de créer cet agenda nous-mêmes, avant les autorités publiques, avant la justice ; de dénicher quelque chose qui n’était pas au grand jour.
Et ça, avec parfois des succès en termes d’impact sur la société – comme avec la création du Parquet national financier après l’affaire Cahuzac, et parfois des déceptions, puisque ça ne débouche pas toujours hélas.


" Les français sont bien en peine de résumer ce qu'on me reproche, personne n'y comprend rien." Il n'aurait peut être jamais du dire cela, notre ex. président. Puisque Fabrice Arfi et Yannick ...
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