Rencontre autour du film Petites Mains avec le réalisateur Nessim Chikhaoui
Le réalisateur Nessim Chikhaoui et l'actrice Maïmouna Gueye étaient venus a Avignon lors des rencontres du sud nous présenter le film PETITES MAINS distribué par Le Pacte, en salles depuis ce 1er mai.
Inspirée de plusieurs histoires vraies, en Espagne et en , Petites mains est une comédie sociale qui nous plonge dans l'univers d'un palace et de son personnel qui doit composer avec le manque de matériel, les petites brimades quotidiennes tout en gardant humour et bonne humeur.
Un hymne à la solidarité et un touchant hommage à toutes les "petites mains" qui œuvrent dans l'ombre, solidement portée par ses comédiennes, de Corinne Masiero à la révélation Lucie Charles-Alfred.

Entretien avec Nessim Chikhaoui, le réalisateur du film Petites mains
Après « Placés », votre deuxième long-métrage vous entraîne loin des scénarios que vous avez l'habitude d'écrire...
Oui c'est un peu loin des scénarios des Tuche 2 et 3 ou du Doudou que j'ai co écrit, c'est certain !
Et c'est plutot dans la lignée de « Placés » ma première réalisation en 2022 parce que j'ai été éducateur pendant dix ans et, pour moi, le social est important. Donc faire des films où on peut avoir un fond et un peu de légèreté, ça me correspond bien. Et j'espère que je pourrai continuer dans cette voie la
Vos deux films ont pas mal de similitudes...
Oui car dans « Placés », je ne voulais pas que l'on voie les parents des jeunes. Dans « Petites mains » je ne voulais pas montrer les clients, pour ne pas stigmatiser déjà et pour ne pas écrire par le prisme d'un cliché inconscient que je pourrais avoir en tête parce que je ne connais pas ce milieu.
Donc j'ai préféré ne pas montrer les clients. Ils existent là où ils dorment, par les traces qu'ils laissent, leur présence, ils existent par leur absence. Ce qui m'intéressait c'était cette équipe, cette brigade de petites mains.
Racontez-nous la genèse de Petites Mains..
Alice Labadie, du Pacte, s’était beaucoup intéressée d’abord au mouvement des « Kellys », ces femmes de chambre en Espagne qui avaient manifesté contre les palaces en 2017 ainsi qu’à la lutte des femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles à Paris qui, au bout de vingt-deux mois de grève, avaient réussi en 2021 à faire plier le groupe Accor en obtenant une amélioration notable de leurs conditions de travail.
Elle aimait le ton de PLACÉS et m’a proposé de leur consacrer un film. J’ai dit oui évidemment. Ces femmes, je les connais, elles me touchent.
Mes tantes, qui viennent de Tunisie ont fait ce métier, les mères de mes copains l’ont fait aussi. Ce sont ces gens qui me donnent envie de faire du cinéma.
Je me suis donc inspiré d’une multitude de témoignages, pas seulement de cas précis, pour faire une fiction qui rende hommage à toutes les femmes de chambre

Votre film est une comédie mais aussi un cri de révolte...
Oui d'ailleurs je me suis beaucoup inspiré du documentaire « La Révolte des femmes de chambre » qui est é sur 2, que j'ai trouvé vraiment formidable .
C'est un peu une révolte de cette société qui n'est pas écoutée. Le but de la sous-traitance est de faire de l'argent donc elle utilise les travailleurs pour faire ça.
D'ailleurs j'ai même appris qu'il va y avoir des sous-traitants de maisons d'enfants. C'est toute cette société que l'on exploite sous prétexte que l'on donne du travail comme chez Uber ou Deliveroo.
C'est de l'exploitation légale. On parle de l'exploitation des classes populaires qui doivent accepter toutes les conditions de travail du fait du contexte actuel merdique qu'il faut accepter et se taire. Mais en même temps, je ne voulais surtout pas tomber dans le
misérabilisme. Le film ne devait pas – ne pouvait pas – être plombant. Je le voulais, au contraire, très solaire. J
’ai voulu faire ressentir cette joie dans la lutte. Je m’en étais déjà rendu compte avec PLACÉS : on dit beaucoup de choses avec le rire et la bonne humeur
Il y a beaucoup de sororité entre ces "petites mains", vous le montrez bien dans le film ,
La sororité entre ces femmes, toutes très fortes, existe, et cela quel que soit l’univers, très différent, dont elles viennent. Il y a toujours de l’entraide entre elles.
C’était important de le montrer. Si quelque chose ressort de ce film à mes yeux, c’est cette sororité et cette entraide.
Dans le monde qui se prépare, il va en falloir beaucoup.
Ces femmes, en dépit des moments poignants qu’elles traversent, restent joyeuses, battantes.
Et ces femmes de ménage semblent aussi aimer ce qu'elles font malgré la difficulté du quotidien
Oui et par exemple Lucie a été formée par une dame qui est arrivée à l'âge de 18 ans au Bristol et qui aime son métier. La dame qui a formé Lucie et même Rachel Kéké le disaient « On aime notre métier mais donnez-nous simplement les moyens de bien le faire. »
Mais en même temps, Le titre du film aurait pu être « La Vie devant toi », ce qui est la phrase que Simone (Corinne Masiero) dit à Éva (Lucie Charles-Alfred) C'est ce que me disaient les femmes de chambre quand je leur demandais ce qu'elles disent à une petite jeune qui arrive : « Pars ! Tu as la chance de pouvoir faire quelque chose qui te brisera moins et pour lequel tu seras mieux payée. »
En on a quand même la possibilité d'être formée et de faire un métier moins éprouvant que celui ci
Certes, mais quand même le fait que ce soit un palace est important, car ces employées éprouvent presque de la fierté à être là.
« Le lieu t’élève, me disait l’une d’elles. Tu te sens faire partie de cet
univers et donc, finalement, tu le respectes. »
Elles en prennent les codes et, en même temps, elles se sentent maltraitées.
Ces femmes, on les sent à la fois profondément fières et respectueuses de ce monde de luxe dans lequel elles évoluent, et tiraillées en même temps par leur propre condition.
Le film n’insiste pas trop là-dessus, une phrase suffit à faire comprendre ce hiatus. Mon rêve serait qu’à la fin du film, les spectateurs aient envie de laisser un pourboire à ces femmes qu’ils ne voient jamais