Brassens vu -et lu- sous des angles inédits et féminins
À l'occasion du centenaire de la naissance de Brassens, les fans du plus célèbre chanteur à moustache ont vu quantité de publications à sa gloire fleurir pendant l'année 2021.
Parmi un certain nombre de biographies classiques, deux livres, proposant un regard plutôt inédit, et sous l'angle de la femme méritent d'être salués comme il se doit :
1.Brassens, Jeanne et John ; Maryline Martin; éditions du Rocher
" Pendant que l'on descend le cercueil dans la tombe fraîchement creusée, Georges ferme les paupières sur ses yeux rougis de chagrin. Demain, il ira porter 50 000 francs à sœur Odile. Des images fugaces de celle qui fut " ni tout a fait la même ni tout a fait une autre" viennent se telescoper dans son cerveau endolori par le chagrin : Jeannette qui lui envoyait des colis à Basdorf et qui avait apporté son cofinancement pour ses premiers ouvrages...
Jeanne qui, les bras ouverts, l avait accueilli, lui, le jeune réfractaire du STO...Jeanne qui inspectait son linge de corps pour le prendre en flagrant délit de libertinage...Jeanne qui cachait son unique pantalon pour l empêcher de sortir...Jeanne qui ne ait pas de l entendre chanter des airs de son Midi natal de peur qu il ne retourne chez Elvira...
Jeanne qui devenait furie quand les femmes lui manifestaient une attention trop marquée...Jeanne qu il conduisait à Paimpol avec sa ménagerie...Jeanne qui venait de se remarier avec un ivrogne...Celle qui l avait logé, blanchi et nourri avait été toutes ces femmes à la fois. Elle venait de disparaître pour toujours et cet adverbe de temps lui faisait l effet d un coup de poignard en plein cœur. "
"Il est é à la radio avec Catherine Sauvage, et la Greco maintenant ! Sûre qu il l a sautée, cette morue. Elles ont toutes le feu au cul ! "
"J’écoute Brassens. Quand c’est lui qui chante. Personne ne devrait s’autoriser à le chanter.
Sa voix ne s’est pas encore effacée, que je sache. Et si cela arrive, on le lira et on le lira
encore.
On aime réellement Brassens. Mais Georges est oublié. Il était en chair et en os. Il était tellement beau, incroyablement beau. Reste sa voix, il ne faut pas la couvrir.
Je repense avec émotion à ces moments où, entre les deux copains, j’avais une place
unique et privilégiée. Il était si rassurant, Georges, que je me sentais là à l’abri des difficultés.
Auprès de cet homme pour moi énigmatique, la vie devenait simple."
Agathe Fallet, vécut vingt-cinq ans auprès de René Fallet, qu'elle avait épousé, et ainsi très près de Georges Brassens.
René Fallet figure parmi les plus proches de Brassens – il le restera jusqu’à la mort du chanteur, il y a pile quarante ans.
"Je n’irai pas, je n’irai jamais. Je n’irai jamais et je ne mettrai jamais plus les pieds à Sète."
"Il me semble que Brassens est devenu pour certains un fond de commerce et cela me trouble. J’ai probablement tort. On aime réellement Brassens. Mais Georges est oublié."
C’est son regard un peu en retrait mais souvent iratif qu’elle partage dans cet ouvrage d’une centaine de pages, illustré de photos intimes, et dans cette évocation tout en sensibilité et délicatesse .
Des souvenirs trop beaux pour moi, d’Agathe Fallet, éd. des Équateurs, 126 p., 18 €, .